Voyager autrement : Laura et le voyage en bateau-stop

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Deuxième interview de notre série « Voyager autrement », celle de Laura qui a décidé de tenter le « bateau-stop » pour rejoindre l’Amérique latine ! Une expérience de voyage si atypique que nous brûlions d’envie de poser nos questions à cette aventurière découverte sur Instagram (ça a du bon aussi les réseaux sociaux !).

Peux-tu te présenter en quelques phrases ?

Laura voyage en bateau stop
Laura expérimente le bateau-stop
Crédit photo : David Aymond – Photographe

Je m’appelle Laura, j’ai 32 ans, je viens du sud de la France et j’écris actuellement depuis la Colombie où je suis arrivée il y a 3 mois.
Ça fait 4 ans que je mène une vie à peu près nomade et que je voulais rejoindre l’Amérique Latine, parce qu’elle me fascine et que je l’aime d’amour !

Je suis graphiste et illustratrice et j’ai quasiment toujours travaillé à mon compte, mais un jour, j’ai décidé d’en faire une opportunité pour m’offrir le luxe de voyager (très) lentement, travailler à mon rythme et ainsi mener une vie d’aventures en évitant de prendre l’avion. Chose dont je rêvais depuis biiiiien longtemps, mais que je n’avais jamais osé faire.

Quel est ton mode de voyage alternatif ?

J’évite de prendre l’avion au maximum (le COVID m’a fait un peu échouer sur ce plan-là) et comme mon rêve était de rejoindre l’Amérique Latine, je n’ai pas eu d’autre choix que de me lancer dans le monde de la navigation pour pouvoir traverser l’océan Atlantique. Ce qui m’a valu de rester vivre presque 2 ans sur des voiliers. Ce n’était pas vraiment le plan, mais c’est un détour de mon voyage que je ne regrette pas du tout !

Pourquoi avoir choisi ce mode de voyage ?

Dans un premier temps, c’était pour éviter de prendre l’avion et d’être responsable de la pollution que ça génère, mais aussi par goût de l’aventure et pour me prouver que je pouvais faire des trucs un peu « badass ».

Avec le recul et l’expérience, je pense que l’argument de l’écologie est assez naïf et simpliste. Je reste convaincue que c’est un mode de voyage plus sobre car il demande du temps et des efforts et implique donc de faire des choix et de réfléchir chaque déplacement, bien plus mûrement que pour prendre l’avion.

Cependant, l’impact écologique de la navigation est loin d’être neutre et le sujet n’est pas aussi important que je l’imaginais dans ce milieu.
C’est une vaste problématique mais je pense notamment au carburant qui peut être utilisé pour se déplacer, à la nocivité des peintures antifouling pour la vie marine, à tous les appareils électroniques de navigation vitaux (qui peuvent difficilement être de seconde main), au recyclage des voiles en plastique. Et puis, plus il y a de bateaux et plus il y a de ports, qui amènent leur lot de destruction de fonds marins … Tellement de points qui ont leur importance également !

Quelle est ta vision du voyage responsable ?

Pour moi, voyager responsable, c’est respecter l’environnement, la culture et les gens. Et ça demande d’ouvrir les yeux sur beaucoup de choses, de réfléchir et surtout de ne pas oublier d’où l’on vient.

Il me semble primordial de garder en tête le passé colonial du monde et de voyager avec humilité. J’ai mis du temps à comprendre ça, mais maintenant, j’essaye toujours de me décentrer de « la normalité » qu’on nous a appris. Les normalités sont différentes partout dans le monde et il est important de comprendre que le mode vie occidental n’est pas LA référence de base (même si une bonne partie du monde semble en être convaincue et essaye de s’y aligner). Je pourrai parler de plein d’autres trucs mais pour moi, je crois que c’est ça le plus important.

Mon expérience de voyage est essentiellement en Amérique latine, mais j’ai remarqué que la façon de parler du voyage, des attentes et des expériences n’est pas tout à fait la même si on parle d’un pays occidental ou d’un pays non-occidental. Alors je crois que c’est important de se rendre compte que le monde n’est pas un safari ; les personnes qu’on rencontre sont des gens avant d’être des « locaux », que les « expériences authentiques », ce sont des morceaux du quotidien de ces personnes.

Pour le pan écologique, je crois que la volonté d’avoir un comportement respectueux doit rester la même (bien que ce soit plus compliqué dans des environnements inconnus), donc il faut faire dans la limite du possible.

Depuis quand est tu sensibilisée à l’impact écologique du voyage ?

Depuis toute petite, avec mes sœurs, nous avons eu la chance de recevoir une éducation très portée sur l’écologie. Mais je suis passée au stade supérieur à 22 ans en devenant végétarienne et encore au-dessus vers 24 ans quand j’ai commencé à m’intéresser au zéro déchet et TOUT remettre en question et agacer tout le monde autour de moi avec ça. Mais maintenant tout va mieux, j’ai converti celles et ceux qui le voulaient bien et j’accepte les autres malgré tout.

A combien estimes-tu ton empreinte carbone ?

L’outil de calcul de l’empreinte carbone développé par l’ADEME m’indique 3 tonnes, mais ce genre de test est compliqué à remplir avec mon mode de vie. Car je n’ai pas de logement, ni une vie assez régulière pour apporter les réponses justes.

Quels sont les avantages du bateau-stop ?

Humainement, ça m’a permis de faire beaucoup de rencontres de tous âges et de diverses nationalités qui ont choisi des modes de vie différents. Et ça me donne plein d’espoir et d’inspiration pour le futur. Ça m’a offert l’opportunité de vivre en collocation sur des bateaux avec des gens improbables. La solidarité des marins est aussi très forte et ça fait du bien à voir !

Et techniquement, le plus chouette, je trouve que c’est la sensation de faire corps avec le monde, en voyageant grâce aux éléments qu’ils nous offre. Ça m’a donné l’impression de vraiment comprendre la subtilité des changements que nous offre le monde : les décalages horaires, les cultures, les langues, les couleurs de peaux, les musiques, la nourriture… et de parcourir le monde en vivant avec. Et je trouve ça très doux.

Arriver en 10h à l’autre bout du monde sans avoir eu le temps d’observer et comprendre ces évolutions, ça me paraît maintenant assez violent. Et voyager avec sa maison, se déplacer en poursuivant une vie tranquillement presque normalement, ça apporte une sensation de confort-liberté que je trouve assez géniale !

Quels sont les inconvénients du bateau-stop ?

Ça peut faire peur.
Dans les situations critiques, on ressent assez facilement la possibilité d’une mort imminente. La cohabitation n’est pas toujours aisée (les capitaines, sont souvent des personnages à part entière) ! Mais ça m’a aidé à faire preuve de patience, de tolérance, à essayer d’écouter et comprendre l’autre et à connaître un peu mieux mes propres limites.

Mais, outre les dangers, l’inconfort et les problèmes de promiscuité, le gros point noir, c’est comme dans la vie normale : les hommes malintentionnés. Certains ont une fâcheuse tendance à vouloir profiter de leur statut de capitaine. Mais ça m’a obligée à me faire suffisamment confiance pour décider à qui je voulais accorder ma confiance. Et pour l’instant je n’ai jamais eu de problème.

Quelle est ta plus belle expérience ou ton plus beau souvenir de voyage en bateau-stop ?

C’est difficile de choisir une expérience… Il y a eu des péripéties, des amitiés, du love et plein de moments incroyables ! Mais j’ai rencontré pas mal de personnes avec qui j’ai navigué ou que j’ai rencontré sur les pontons qui sont maintenant très importantes dans ma vie.

Mais pour mon premier grand souvenir, j’étais toute seule et c’était lors de mon tout premier quart de nuit, sur un vieux voilier en bois (sur lequel je suis allée du Portugal aux Canaries), au large en direction de Cadix. L’autre équipier et le capitaine dormaient, il devait être 23h, dans une nuit très noire, sur le pont où il faisait plutôt froid. J’ai aperçu des tubes lumineux qui passaient sous le bateau. J’ai dû mettre bien 5 minutes à comprendre que c’était un groupe de dauphins qui créaient des bioluminescences en jouant avec le voilier. C’était la première fois que je rencontrais des dauphins en mer. Je ne les ai pas vraiment vus, mais c’était un moment magique ! C’était un moment à moi toute seule (donc personne ne pourra confirmer que c’était vrai ! Haha !)

As-tu des conseils à donner à ceux qui voudraient se lancer dans le voyage en bateau-stop ?

Mon premier conseil serait de ne pas dénigrer les cachets anti-mal de mer ! Quand j’ai commencé, il y a quelques fois où j’avais le mal de mer et j’ai voulu jouer la meuf forte et nature qui ne prend jamais de médoc. Il ne faut pas faire ça !

Avec le mal de mer, c’est très rapide de passer de « personne qui fait genre qu’elle craint dégun » à « personne absolument inutile à bord ». Mais bon, en général, les capitaines sont cool et pardonnent le mal de mer. C’est surtout mon estime personnelle qui en prenait un coup à chaque fois.

Mais mes conseils les plus importants seraient :

  • De commencer à se faire la main sur des petites navigations avant d’attaquer une grande traversée. Parce que la vie en mer, c’est très très particulier. L’intimité est limitée, tout bouge, on se cogne partout, parfois ça fait peur, tous les petits trucs du quotidien sont bien plus laborieux (niveau lendemain de cuite mais sans se sentir mal)…
  • Ne pas embarquer avec quelqu’un en qui on n’a pas confiance.
  • Demander où sont les gilets de sauvetage quand on monte à bord.
  • Savoir s’accorder des moments à soi et respecter les moments de calme des autres.
  • Savoir se taire et ne pas avoir peur du silence. Ça peut paraître bizarre comme conseil, mais je parle d’expérience. Pour les navigations de quelques jours et plus, je crois que c’est essentiel pour la sérénité de tout l’équipage !

Y a-t-il des sites ou applications à connaître pour faciliter le voyage en bateau-stop ?

Il y a pas mal de groupes sur Facebook qui sont plutôt actifs et efficaces.

Il existe aussi un site français bien connu dans le milieu : La Bourse aux équipiers, et d’autres sites en anglais tels que : Find a Crew ou Crewbay. Moi j’utilise essentiellement La Bourse aux Equipiers, Find a Crew, les groupes Facebook, mais surtout les bars des marinas.

Mis à part le voyage en bateau-stop, as-tu testé d’autres façons de voyager autrement ?

Le bus, le covoiturage, le train, le ferry… ça compte ?

Quels sont tes prochains projets de voyage ?

Pour l’instant, je reste en Amérique du Sud. Je voudrais aller apprendre le Portugais au Brésil. Et ensuite pourquoi pas rentrer en faisant une transatlantique retour.
Mais surtout très envie de tenter le voyage à vélo (ici ou à mon retour en Europe) pour mes prochaines aventures !

Laura en voyage en bateau-stop

Pour ne rien manquer des aventures de Laura, vous pouvez la suivre sur le compte Instagram @destrucsbien.
Nous adorons son incomparable sens de l’humour et son coup de crayon !

Et puis, elle aussi dit « fatche de con », et ça, ça n’a pas de prix !

Vous voyagez également de façon atypique ? Que ce soit à pied, à vélo, en kayak, en tapis volant …
Laissez-nous un commentaire ou contactez-nous pour partager votre expérience !

Crédits photos : Laura Humbert – Des Trucs Bien, David Aymond – Photographe

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