Voyager autrement : les Manalas et le voyage en camping-car

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Le voyage est une expérience enrichissante qui permet de s’ouvrir au monde et de prendre le temps de contempler la beauté de notre planète. Cependant, le tourisme est aujourd’hui responsable d’environ 8% des émissions de gaz à effet de serre mondiaux. Dans un contexte de changement climatique, il nous semble plus qu’urgent de revoir notre façon de voyager. Prendre plus son temps, voyager moins loin, ne pas consommer le voyage, sortir des sentiers battus, privilégier les mobilités douces … Repenser le voyage pour le rendre plus responsable et plus durable, c’est également remodeler notre imaginaire et s’ouvrir à de nouvelles alternatives.

C’est pourquoi, après notre article traitant des façons de voyager de manière plus écologique, nous avons décidé d’interviewer d’autres voyageurs qui ont choisi un mode de voyage alternatif pour partir à la découverte de nouvelles contrées.

Première interview de ce genre, celle de nos amis Les Manalas, qui voyagent avec leur camping-car, surnommé « Bubble ».
Nous les avons rencontrés en Australie, alors que nous étions à
Cairns en plein tour du monde. Ce couple de voyageurs a grandi en Alsace, tout comme nous, mais c’est à l’autre bout du monde que nous avons fait connaissance. Depuis ce jour, nous avons développé une véritable amitié, et c’est avec plaisir que nous suivons leurs aventures. Ils ont accepté de se prêter au jeu d’une petite interview sur le voyage alternatif.

Pouvez-vous vous présenter en quelques phrases ?

Nous sommes les Manalas, un couple de trentenaires qui voyage depuis 2017 en alternant différents modes de voyages. En 2017, nous sommes partis en Asie, de 2018 à 2019 en Australie et depuis août 2021, nous vivons à plein temps dans un vieux camping-car de 1988 avec nos deux chats.

Les Manalas, leurs chats et Bubble, leur camping-car
Les Manalas, leurs chats et Bubble, leur camping-car
Les chats Callie et Rico dans le campingcar
Les chats Callie et Rico dans le campingcar

Quel est votre mode de voyage alternatif ?

Plus nous voyageons et plus nous sommes conscients des impacts du réchauffement climatique. C’est pour laisser le moins de traces possible de notre passage dans les lieux que nous explorons que nous tentons de limiter nos consommations de ressources et que nous avons adopté un mode de voyage minimaliste et lent en camping-car.

Pourquoi avoir choisi le voyage en camping-car ?

Même si nous avions beaucoup aimé le voyage en sac à dos, nous avons surtout aimé nos voyages véhiculés. Nous nous sentons libres d’aller n’importe où et n’importe quand.

Le camping-car a l’avantage d’avoir tout le confort d’une maison dans un tout petit espace. Il est fonctionnel et s’il est bien aménagé, il permet d’être autonome en énergie.

Intérieur d'un camping-car
Le camping car des Manalas a été aménagé par leurs soins
La salle de bain du camping-car des Manalas
Une salle de bain hyper fonctionnelle dans un petit espace

Quelle est votre vision du voyage responsable ?

Pour nous, un voyage responsable se veut respectueux des lieux traversés et des personnes qui y vivent.
Ainsi, nous tentons de polluer le moins possible : nous trions nos déchets et nous les limitons. Nous prenons également soin de ne pas déverser nos eaux grises n’importe où.
Nous réduisons au maximum notre consommation de ressources (carburant, eau, électricité, gaz, sciure des toilettes).
Mais surtout, nous mangeons local et de saison. L’idée est de participer à l’économie locale tout en consommant des produis frais et de circuit court qui auront une faible empreinte carbone.

Nous sommes également adeptes du slow travel, ce qui signifie que nous prenons le temps d’apprécier chaque étape pendant plusieurs jours. Nous ne roulons donc pas quotidiennement et même lorsque nous le faisons, nous nous limitons à maximum 1h de route.

Avant d’être une volonté écologique, c’était un besoin vital pour nous quatre. Nos chats ne peuvent pas supporter de longues heures de voyage et nous préférons les laisser vagabonder à leur guise dans les lieux où nous nous posons. Ce serait contraignant de devoir sans cesse les récupérer pour repartir.

De même, en étant freelancers, nous devons aménager des journées complètes de travail. Alors quand nous sommes bien quelque part, nous préférons en profiter, savourer l’ambiance du coin et nous immiscer entièrement dans la vie locale. Il faut noter que nous adorons découvrir les lieux et que nous sommes vite frustrés de louper quelques découvertes. Donc, si nous sommes à côté, pourquoi ne pas s’y arrêter ? Nous avons d’ailleurs un mantra qui ne nous quitte jamais : « Ce qui importe, c’est le chemin parcouru et non la destination. »

Depuis quand êtes-vous sensibilisés à l’impact écologique du voyage ?

Nous étions déjà un peu écolo avant de partir. Nous achetions un panier bio chaque semaine, nous avions un compost ainsi qu’un potager et nous essayions de consommer local.
Cependant, ces petits gestes étaient insignifiants comparés à tout le gaspillage généré à côté.

C’est finalement en voyageant avec peu de choses en 2017 que nous nous sommes rendus compte que nous n’avions pas besoin de consommer autant. D’ailleurs, c’est en voyageant que les déclics se font pour toutes sortes de choses.

Concernant notre sensibilisation à l’impact écologique du voyage, il y a eu trois grosses prises de conscience :

1/ Lorsqu’en Asie on se rend compte qu’il n’y a quasiment aucun supermarché en dehors des grosses villes et que pourtant les sols des lieux touristiques sont jonchés d’emballages de sodas, de gobelets et de pailles fournis par les hôtels.

2/ Quand on se rend compte de la rareté de l’eau (notamment l’eau potable) dans de nombreux pays et des catastrophes naturelles qui se multiplient.

3/ Lorsqu’on voit des solutions alternatives prises face au réchauffement climatique dans d’autres pays et que le nôtre ne fait quasiment rien pour arranger les choses. Je pense notamment à l’Australie qui laisse les citoyens produire leur électricité solaire sans contrainte ou qui peuvent aussi récupérer l’eau de pluie pour alimenter leur maison. Ou encore en Espagne où le bétail est souvent en liberté pour leur permettre de tondre naturellement les friches et de ne pas les nourrir aux céréales. Quelque chose de simple pourtant à mettre en place, qui semble impossible chez nous.

Et j’aurais encore tellement d’autres exemples à donner sur des prises de consciences à l’étranger ! Mais comme on dit, si on ne peut pas changer le monde, on peut au moins changer son petit univers et faire changer les choses à son échelle !

A combien estimez-vous votre empreinte carbone en voyageant en camping-car ?

Nous tenons minutieusement un tableau des dépenses en plus d’un petit agenda de poche. Nous y notons tout ce que nous avons fait chaque jour de l’année. Du coup, c’est finalement facile de comparer notre empreinte carbone d’une année à une autre.

Ce qui est surprenant, c’est que malgré que notre vieux camping-car consomme énormément d’essence, nous avons très peu consommé cette année comparé à notre vie sédentaire d’il y a 5 ans.

Voici ce qui ressort de nos consommations des ressources :

RESSOURCECONSOMMATION ANNUELLE
VIE SEDENTAIRE – 2016
CONSOMMATION ANNUELLE
EN CAMPING CAR – 2021/2022
Essence18 144 L (gasoil)1 569 L (essence)
Eau14 560 L (lave-linge, lave-vaisselle, douches)7 200 L (douche, vaisselle et lessives)
Poubelles1 040 L1 040 L
Electricité2 187 kWh (tout électrique)Energie solaire générée par nos panneaux solaires uniquement
Gaz078 L (eau chaude, cuisine, chauffage)
Toilettes13 140 L d’eau potable115 L de sciure

Bien que l’outil de calcul de l’empreinte carbone développé par l’ADEME ne soit pas adapté pour les personnes ayant un mode de vie nomade et ne prenne pas en compte tous les paramètres, nous nous sommes prêtés au calcul pour cette interview. Nous arrivons à 4,9 T de CO₂e annuel, un bon résultat quand on compare aux 10 T de CO₂e émis en moyenne par un habitant français aujourd’hui.

Empreinte carbone des Manalas en voyageant en camping-car
Empreinte carbone des Manalas en voyageant en camping-car
Détail de l'empreinte carbone des Manalas des Manalas
Détail de l’empreinte carbone des Manalas

Nous sommes donc très loin de l’empreinte carbone d’un français qui doit partir travailler tous les jours avec son véhicule et vit dans une grande maison. La vie en camping-car semble donc être une bonne façon de vivre tout en réduisant son empreinte carbone ainsi que sa consommation en eau et en électricité !

Quels sont les avantages du voyage en camping-car ?

Le voyage en camping-car a l’avantage d’avoir tout le confort d’une maison dans un tout petit espace. On devient donc vite minimaliste et on stocke peu de nourriture, obligeant forcément à optimiser ses repas et à éviter le gaspillage.

De plus, c’est assez embêtant de devoir chercher son eau régulièrement ou de vider ses toilettes et ses eaux grises. C’est une bonne manière de se rendre compte de la valeur des ressources et cela pousse à les préserver.

Quels sont les inconvénients du voyage en camping-car ?

Forcément il y a des inconvénients du voyage en camping-car !

Déjà, il est très difficile au départ de limiter ses consommations et ses affaires. Il faut vivre simplement en pesant à chaque fois le pour et le contre d’un achat ou d’une étape.

Car oui, malgré que ce mode de voyage alternatif puisse convenir à tous les profils de voyageurs, notre pays en fait la chasse ! Il devient très difficile de se garer sur les côtes ou d’accéder dans les centres commerciaux par exemple. Une situation fatigante lorsqu’on sait que les voyageurs en camping-car sont ceux qui restent le plus longtemps au même endroit. Et qu’ils vont donc être ceux qui vont participer aux achats locaux tout en étant autonomes en énergie (ils ne vont pas déverser leurs eaux grises n’importe où, ni faire pipi dans la rue).

Mais hormis ces petits détails, c’est une alternative au voyage traditionnel que nous recommandons à tous ceux qui ont du temps et qui veulent le même confort, mais à petite échelle. C’est aussi une belle transition à une vie plus minimaliste.

Le camping-car des Manalas garé sur un parking
Bubble garé sur un parking

Quelle est votre plus belle expérience / souvenir de voyage en camping-car ?

Pour l’instant nous en sommes à notre premier long voyage en Espagne en camping-car. Donc ce serait celui-ci sans hésiter ! Les espagnols sont souriants, prennent le temps et sont très conviviaux. Nous étions bien accueillis partout et nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité !

Mais s’il fallait citer un seul moment, je dirai notre campement dans les déserts d’Espagne, Abanilla ou encore Gorafe. Là où il n’y a personne, sauf une immensité non habitée et où nous avons pu rester vivre plusieurs jours grâce à l’autonomie de notre camping-car.

Steve à vélo dans le désert de Gorafe, en Espagne
Steve à vélo dans le désert de Gorafe
Camping-car dans le désert d'Abanilla, en Espagne
Seuls au monde dans le désert d’Abanilla

Avez-vous des conseils à donner à ceux qui voudraient se lancer dans le voyage en camping-car ?

Il faut bien peser le pour et le contre avant d’acheter un camping-car. Nous avons vu beaucoup de personnes qui enchaînent les étapes rapidement. Un camping-car n’est pas adapté à ce mode de voyage. Il nécessite de l’entretien régulier car il est essentiellement fait de bois et de polystyrène. On peut vite endommager son moteur ou sa cellule si on ne ralentit pas suffisamment.

Un van ou un fourgon aménagé est plus adapté aux road trips de quelques jours.

Le camping-car est idéal lorsqu’on veut s’évader loin mais surtout longtemps ou qu’on souhaite tester une vie de nomades ou minimalistes.

Enfin, nous conseillerions à tous ceux qui souhaitent se lancer dans le voyage en camping-car de le rendre un maximum autonome en électricité, mais aussi en installant des toilettes sèches. Votre confort sera décuplé et vous ferez de belles économies.

Y a-t-il des sites ou applications à connaître
pour faciliter le voyage en camping-car ?

Pour notre part, nous utilisons :

  • Park4Night : pour choisir nos campements, trouver des points d’eau et de vidange des eaux grises,
  • GasoilNow : pour connaître les stations-service les moins chères autour de nous,
  • MapsMe : un GPS utilisable hors ligne, pour sortir des sentiers battus,
  • Sunposition : pour placer notre camping-car au mieux afin d’avoir de l’énergie solaire,
  • Opensignal : pour trouver du signal internet,
  • France Passion : pour dormir chez l’agriculteur,
  • Le GPS Campermate de Garmin qui permet de connaître le dénivelé sur son trajet et d’éviter les routes non adaptées aux camping-cars.

Mis à part le voyage en camping-car, avez-vous testé d’autres façons de voyager autrement ?

Dès que nous le pouvons, nous faisons du volontariat, de la garde de maison et d’animaux, du couchsurfing et nous faisons également les saisons. Nous aimons expérimenter de nouvelles manières de voyager.

Les Manalas lors d'un volontariat Helpx en Espagne
Volontariat Helpx en Espagne
Audrey en pleine séance de yoga lors d'une garde de maison en Espagne
Audrey en pleine séance de yoga lors d’une garde de maison en Espagne

D’ailleurs, avec le recul, nos meilleurs souvenirs de voyage ne sont pas les jolis lieux, mais les expériences que nous avons vécues, les personnes que nous avons rencontrées et les émotions que nous avons ressenties face à tout ça.

Le voyage est très accessible aujourd’hui et malheureusement, nous nous rendons compte que les lieux médiatisés sont aussi les premiers à souffrir du tourisme de masse. Nous ce qu’on aime, c’est sortir des sentiers battus de par l’itinéraire, mais aussi de par la manière de voyager. Nous aimons partager tout ça avec ceux qui nous suivent et leur montrer qu’il y a des manières alternatives et humaines de voyager. Et que finalement, ce n’est pas le lieu qui importe, mais bien comment on le perçoit et ce qu’on y fait.

Quels sont vos prochains plans de voyage ?

Pour l’instant nous nous posons quelques mois dans le Sud-Ouest pour faire des saisons, revoir des amis et pour d’autres projets pros. Ensuite, nous allons remonter en Alsace pour revoir nos proches, travailler, mais aussi faire des travaux sur notre camping-car afin de le préparer à un long voyage jusqu’en Turquie dès l’automne 2023.

Nous avons hâte de découvrir cette partie du monde !

Logo des Manalas

Pour en savoir plus et suivre leurs aventures de voyage en camping-car, vous pouvez :

Vous voyagez également autrement ? Que ce soit à pied, à vélo, en bateau, en tapis volant … Laissez-nous un commentaire ou contactez-nous pour partager votre expérience !

Crédits photos : Les Manalas

Commentaires

Merci pour cet échange ! On a été heureux d’ouvrir le bal à cette nouvelle rubrique consacrée aux voyages alternatifs et eco-responsables ! On a hâte de lire d’autres témoignages et d’autres aventures qui vont très certainement nous inspirer pour faire mieux et tenter d’atteindre ces 2T ? !
On y croit !

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C’était avec plaisir ! Merci d’avoir partagé votre façon de voyager sur le blog, et en route vers l’objectif 2T (c’est possible !) 🙂

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Vous êtes en train de réaliser mon vieux rêve. Votre façon de voyager d,avancer, de voir la vie me touche. C’est 1 plaisir de vous lire, de vous suivre. ?

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Merci beaucoup pour ce message ?! Il n’y a plus qu’à mettre tout en oeuvre pour le réaliser alors ?! On t’encourage et on t’envoie de bonnes ondes pour y arriver ☺️?

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Et oui un camping-car ça pollue un peu avec le diésel
Mais l’hiver on se branche a l’électricité et l’été on consomme principalement l’énergie solaire donc pas de pollution qui peut en dire autant de plus on consomme environ 10 x moins d’eau qu’un sédentaire soit environ 120l
/ Pour 5 jours a 2 personnes
Alors on est peut-être pas écolo dans l’âme mais sûrement de vrais écolo dans les faits

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